Les bots et leur commerce

Dans ce monde cruel et incertain, les bots fournissent une aide précieuse au habitants. Une zone profondément irradiée à fouiller ? Envoyez un bot à votre place. Une caravane marchande à protéger des pillards ? Engagez des bots. Un boulot ingrat ou dangereux à faire ? Ne vous fatiguez pas, les bots le feront pour vous.

Dans un tel contexte, on comprend facilement pourquoi le commerce des bots est une entreprise florissante.
Dans un premier temps, il fut re-initié après le Grand Pinage par quelques entrepreneurs opportunistes remettant en marche de grandes usines à bots souterraines restées intactes. Au fil des années, ces usines se sont relocalisées à la surface, et sont maintenant de véritables villes sur-fortifiées et peuplées de bots fabricant et retapant d’autres bots. Les années écrémèrent les initiatives de ce genre, si bien qu'il ne reste aujourd'hui que 4 grands noms sur le devant de la scène industrielle.
Ces quatre corporations, ou plutôt devrais-je dire “corpos”, sont connues par le peuple sous l’appellation commune des “Quad Corp” et possèdent des boutiques un peu partout. Pourtant, officiellement, les quatre corpos ne sont pas alliées, très loin de là. Elles se mènent même une guerre sans pitié, tant commerciale que martiale, chacune attaquant régulièrement les autres, de préférence sur plusieurs fronts à la fois, faisant souvent des victimes collatérales parmi les Édeniens.

En marge de ces quatre corpos, qui pratiquent des prix allant d’élevé à inabordable, le commerce des bots d’occasion est en vogue parmi les basses classes. On y revend des bots industriels usagés, mais certains amateurs de robotique indépendant tapent allègrement dans les décharges omniprésentes et les ruines pour trouver des matériaux et construire leurs propres D.I. à base de puces de récupération, et les revendre contre quelques cubes. D’autres encore, exhument des bots antérieurs au Grand Pinage, les remettent sur pied, puis les proposent à la vente. Dans les grands foyers de population, on ne traverse généralement pas plus de 3 rues successives sans tomber sur un marchand de bots de plus ou moins bonne facture.

Toutefois, si les bots sont des biens qu’on achète, il faut garder à l’esprit qu’ils sont aussi parfois dotés d’un libre arbitre et les multiples bugs qu’ils peuvent développer les rendent imprévisibles. C’est pourquoi, même si la population les traite en inférieur, la majorité sait rester sur ses gardes vis-à-vis d’eux.
Il est commun de voir un bots délaisser sa tâche et son employeur… Et il arrive même que, si ce dernier a montré trop peu de prudence, ce départ brutal se fasse au dessus d’un cadavre fumant. Et comme la loi est bien peu de chose en ce monde, l’affaire s’en tient là.
De ce fait, les possesseurs de bots préfèrent généralement laisser une relative  liberté à leurs compagnons de métal, ne leur formulant que d’occasionnelles instructions. Et il est également fréquent qu’un employeur décide d’accorder sa liberté totale à un D.I. trop instable.

Sur une population d’environ 1 bot pour 5 organiques, on trouve donc énormément de bots libres, sans propriétaire. Cela ne leur apporte pas pour autant une considération égale à celle à laquelle peut prétendre un Edenien, mais en se donnant un peu de mal, il pourront exercer un métier (on trouve des bots dans tous les corps de métier) pour gagner leurs propres cubes, accéder eux-même à la propriété, et arpenter librement le monde… Jusqu’à ce qu’ils tombent sur quelqu’un qui décidera de les mettre en pièce pour les revendre ensuite.
Eh oui, la vie d’un D.I. n’est pas moins dangereuse que celle d’un “viandu”, comme disent les bots. Les bots libres tâchent donc quelques fois de se rassembler pour rester forts. Mais lorsque ces regroupements rassemblent plus de 5 ou 6 bots sans maître, leur débilité finit toujours par dissoudre le groupe, à plus ou moins courte échéance.

Les restes technologiques

Les interfaces numériques

Le numérique… S’il y a bien un point sur lequel la technologie a pâti du Grand Pinage, c’est celui-ci. Avec les guerres, les radiations, et la perte de la grande majorité des plans et des matériaux de fabrication, il ne reste pour ainsi dire plus rien du réseau numérique global. Et comme le pillage est devenu un sport mondial, tous les embryons de tentatives pour rétablir un semblant de maillage optique ont été tués dans l’œuf, le matériel ayant “mystérieusement” et honteusement disparu.
Aujourd’hui, on peut dire que sur le plan numérique, les Bots sont ce qu’il existe de plus avancé sur Éden, et de très – TRÈS – très loin. Du reste, on ne trouve plus que de petits réseaux très localisés et très privés, réservés généralement à des usages très pratico-pratiques comme l’automatisation de la sécurité sur un domaine, ou le stockage locale de petites bases de données. En général, le maillage d’un tel réseau ne dépasse pas la taille d’un petit quartier ou d’un manoir, et quiconque voudrait s’y connecter devrait se rendre physiquement sur place pour y trouver un point d’entrée. Et même là, la qualité du réseau dépend beaucoup de celui qui l’a mis en place et du matériel qui a servi à son élaboration. Pas de quoi fouetter un Mékamouton, en général, donc.

En termes d’interfaces, les claviers eux-même sont généralement plutôt archaïques, souvent de récupération et à moitié effacés, sans parler des écrans pour lesquels le tube cathodique, plus fiable et plus simple dans sa conception, est revenu à la mode, pour un affichage le plus souvent monochrome du plus bel effet.

Bien sûr, les corpos ne jouent pas dans la même catégorie que le reste du monde, et disposent de réseaux plus performants et plus grands, parfois de la taille d’une grande ville, avec des interfaces dernier cri en couleur (!!!).

Vous l’aurez compris, malgré la prolifération des bots, Éden n’est pas exactement le monde du numérique qu’on pourrait croire. Mais à quoi bon s’en préoccuper puisque, quoi qu’on en dise, les Edeniens sont de toute façon trop idiots pour y voir une quelconque once d’intérêt.

Les communications

Question communications à distance, il n’y a guère de quoi danser la gigue non plus.
Faute d’entretien correct, la plupart des satellites qui devaient rendre possibles les communications au niveau mondial ont fini hors d’état, coupant toute possibilité de transmission sur des distances trop importantes – du moins pour le commun des mortels et des construits. Mais cela ne veut pas dire que plus rien n’est possible.

Les antennes relais encore viables après le Grand Pinage ont été retapées et modifiées, ouvrant ainsi des couloirs de transmission relativement courts et pas toujours fiables, mais néanmoins fonctionnels.
Sur la base de ce réseau merdique, les corpos et les petits génies ont mis sur le marché des dispositifs de communication vocale et textuelle basés sur un système de clé alphanumérique propre à chaque appareil permettant, lorsqu’on la connait, de se joindre mutuellement, tant que la distance et la densité du réseau d’antennes entre les parties est suffisante.

Originellement nommés Com-Plex, ou CP, on ne se réfère plus aujourd’hui à eux sous ce nom que dans les milieux trèèèèèès aisés et pédants. Le reste du monde leur préfère les sobriquets de “Jacteurs”, “Cracheur” ou “Baveurs” (selon la région), surnoms qui leur vient de la distorsion assez désastreuse des voix, et du souffle qu’ils ajoutent sur toutes les conversations.

En plus des appels vocaux, la plupart des Jacteurs (pas les plus archaïques, néanmoins) permettent d’envoyer des messages par voie écrite, mais de même que la transmission des voix peut  être chaotique pendant une conversation, les messages écrits peuvent arriver morcelés, voire carrément illisibles si les conditions sont trop mauvaises.

Pour la plupart, les Baveurs prennent la forme de gros brassards plutôt encombrants munis d’un écran très basique et d’un clavier peu pratique, ou de gros talkie-walkies avec beaucoup de touches. Chez les bots les mieux conçus, il arrive que ceux-ci soient intégrés dans le bot, mais ceci est relativement peu commun.

Les corpos, elles, disposent encore d’un réseau de satellites ultra-performants et fonctionnels réservés à leur propre usage et ne sont pas soumis aux limitations de réseau ou de distance auxquelles le reste de la plèbe doit se confronter. Ainsi les communications provenant d’un membre d’une corpo sont-elles toujours de la meilleure qualité, pour peu que le destinataire de cette com se trouve en terrain dégagé, bien sûr.

Les armes

Avant et pendant le Grand Pinage, les jouets avec lequel les huiles se livraient à leurs guéguerres privées était des plus sophistiqués, arsenal nucléaire surpuissant en tête. Et les armes des fantassins ne manquaient apparement pas de puissance non plus : micro-ondes, munitions corrosives, plasma, balles UHV (Ultra Haut Voltage), tout cela en plus des très classiques munitions solides, perforantes ou non…

Mais le Grand Pinage a mis un énorme frein à tout ceci.
Si on retrouve aujourd'hui quelques armes antiques (et les munitions correspondantes, dans de très rares cas), 99% de l’armement “spécial” de l’époque a disparu.
Faute d’infrastructures suffisamment stables et avancées, et de matériaux non-corrompus pour les reconstruire, les joujoux technologiques de l’époque ne peuvent à priori plus être reproduits.
Aujourd’hui subsistent encore quelques vestiges de l’ère de tous les excès, mais ceux-ci sont extrêmement rares, et ceux qui les possèdent les gardent jalousement. Ne parlons même pas de la difficulté de trouver ou de produire les munitions adéquates pour ces armes. Si dans certains cas (munitions corrosives / UHV), un bon bricolo pourra faire des miracles, dans d’autres (plasma, micro-ondes) c’est plus qu’improbable.

Le gros de l’armement d’aujourd’hui est donc composé d’armes plus standard, à munitions solides, car armes comme munitions sont plutôt fiables et relativement faciles et peu coûteuses à fabriquer ou à trouver.
Les corpos sont parvenues à remettre en marche certaines usines et fabriquent leurs propre gammes d’armement, les revendant ensuite à la populace et les incitant toujours plus à la violence. Contrôlant ainsi l’offre et la demande, ils génèrent les profits colossaux qui leur permettent de prospérer.

Mais d’autres acteurs alimentent ce marché. Le conglomérat de marchands d’armes “Armazone”, créé par les frères Duran, Dil et Nafer, s’est récemment taillé une place de choix au milieu de ce quartet corporatiste, tout d’abord en tant que détaillant pour les corpos, puis en montant progressivement ses propres usines et des entrepôts de distribution dont l’efficacité de la logistique les rend quasi omniprésents sur toute la surface d’Éden.

Enfin, le marché du DIY n’est pas en reste, car les bricolos ne manquent pas sur Éden, et beaucoup d’armes artisanales plus ou moins fiables circulent également sur les marché de la mort.

Un irrécupérable monde de bourrins, en somme…

Les moteurs

En parlant de monde de bourrins, les moteurs en sont une autre preuve édifiante. On trouve bien évidemment pléthore de véhicules à moteur thermique standard (camions, motos, buggies) mais la folie furieuse et frénétique des techniciens d’Éden ne saurait se contenter de ces banalités crasses.

En terme d’efficacité et de rendement purs, il est clair que les moteurs d’aujourd’hui ne sont pas au niveau de ceux de la grande ère technologique. Mais à présent que les problématiques de design, de gain de place et de nuisances, tant sonores que visuelles ou olfactives, ne sont plus d’actualité, les mécanos compensent largement l’efficacité par la puissance brute… et brutale !
On ne cherche plus aujourd’hui à fabriquer le moteur le plus économique qui soit. On récupère des pièces ça et là (parfois on démantèle le moteur du voisin), et on bricole jusqu’à obtenir le moteur le plus bruyant, fumant, et rapide possible.
Niveau carburant, la richesse d’Éden n’a encore jamais fait défaut aux Edeniens qui rivalisent d’inventivité pour créer de nouvelles sauces toujours plus dangereuses à donner à manger à leurs engins. Pétrole (encore extrait des sols par les corpos), carburants artisanaux hautement radioactifs, essence chimique, liquides inconnus, tout y passe pourvu que ça pétarade bien. La plupart des moteurs thermiques sont donc généralement conçus pour tolérer une large gamme de combustible. Et si ça explose, tant pis, c’est joli.

Le moteur à explosion n’est pas le seul à connaître une période faste et furieuse. Les électro-moteurs, dont sont équipés les overcrafts de tout poil, ont de nouveau la part belle dans les régions les plus accidentées et impraticables, comme la Mer de Sable ou les Radlands. Ils offrent l’avantage de générer un champ de force sous le véhicule qu’ils équipent, le maintenant légèrement en l’air, et permettant ainsi à ce dernier de se mouvoir sans subir les affres du terrain, et malgré des sols pas toujours solides. Un peu moins rapides et nécessitant un entretien plus complexe et onéreux, les régions qui ne nécessitent pas absolument ce genre de moteurs en abritent de fait une proportion moindre. Mais les électro-véhicules sont d’autant plus spectaculaires que lorsqu’ils sont poussés à haut régime, ils génèrent des arcs électriques impressionnants.
Ces moteurs coûtent cependant moins cher à alimenter puisqu’ils tirent parti de l’énergie photovoltaïque faramineuse et quasi-permanente des deux soleils qui bercent Éden de leurs rayons brûlants. Mais certains rares cintrés (plus que les autres, ce qui n’est pas peu dire) délaissent malgré tout cette énergie qu’ils jugent “trop douce” pour la puissance nucléaire, accolant à leurs véhicules les plus massifs des réacteurs à fission miniaturisés. Il va sans dire que bien peu de ces débiles voient le printemps qui suit le micro-hiver nucléaire qu’ils finissent tôt ou tard par déclencher sur la route des vac… des pillages.

Enfin, on passera assez rapidement sur les moteurs plus discrets ou économiques, comme les moteurs à hydrogène, techniquement encore faisables, mais quasiment tombés dans l’oubli pour une raison évidente de crétinerie des con-sommateurs.

Toujours est-il que, quel que soit le moteur, quand on parle de carlingues en tout genre, le mot design ne fait plus partie du vocabulaire Edenien. La demi-mesure dans le tuning est devenue une faute de goût pour les aficionados du genre. De fait, plus un véhicule est improbable et tape à l’œil, plus il sera un objet d’orgueil et de jalousies. A l’inverse, plus un véhicule est sobre, plus son propriétaire sera susceptible d’essuyer des moqueries de la part des mécanos qui croiseront son chemin.

Go big or go home, pas vrai ?