Approchez, amis, n’ayez pas peur. Laissez Père Costar vous conter une histoire. Pas la vôtre, non. Aujourd’hui c’est la chronique de celle qui nous abrite et nous nourrit que je vais vous faire.

Quelque part dans le système Caelus, articulé autours de deux étoiles, une naine blanche et une naine brune, se trouve le monde baptisé Éden. Notre monde ! Aujourd’hui en proie à un climat plus qu’inhospitalier doublé d’une faune et d’une flore inamicales, sans parler de la folie et de la bêtise de ses habitants, Éden ferait fuir n’importe quel explorateur spatial qui prendrait la décision idiote d’y tenter sa chance, pour peu qu’il garde ses membres suffisamment longtemps pour détaler vers son vaisseau, et si tant est que ce dernier soit encore en un seul morceau. Enfin c'est ce que disent les rares Hoody Aliens qu'on a pu interroger.

Mais quid de jadis ?

L’Eden d’avant

Soyons honnête, tout ce qu'on croit savoir de notre caillou nous vient soit des départements marketing des Quad Corp, soit de quelques historiens Tronches à la cervelle brûlée aux radiations se basant sur le "témoignage" de bots antiques farcis de bugs. Question protocole scientifique et vérité historique, on repassera.

Les Quad Corp parlent de l'époque bénie où des villes de la taille d'un pays recouvraient la face du globe et où des bots d'une intelligence incontestable déchargeaient les viandus de toute pénibilité en prenant à leur compte les tâches ingrates avec maestria.

Certaines Tronches mentionnent un monde sans radiations et sans Pillards où chacun pouvait aller où il le souhaitait sans que se faire rôtir le ciboulot ou sans craindre de finir à poil et unijambiste dans un désert grisâtre.

Certains encore, plus pieux, rapportent cette ère à celle des dieux, certains administrant le monde depuis leur villa dans le ciel, d'autres foulant le même sol que leurs sujets, et dispensant leurs miracles aux méritants.

Chacun sa version, et le Daron sait à quel point elles constituent toutes un excellent prétexte pour se mettre sur la gueule, mais tout le monde semble s'accorder sur deux choses.
La première c'est que les bots tels que nous les connaissons, les D.I., étaient déjà fabriqués à l'époque. Ça vous en touche peut-être une sans faire bouger l'autre, mais c'est un fait que personne ne réfute, et c'est déjà une petite fête en soi.
La seconde, c'est qu'il y a 5 ou 6 siècles (selon le taux d'alcoolémie), quelque-chose à pété. Pété fort. Et même si on lui donne parfois d'autre surnoms plus ou moins fleuri, un nom fait plus ou moins figure de vainqueur pour qualifier cet évènement.

Le Grand Pinage

On sait pas exactement dans quel état était Eden juste avant, mais ce qui est sûr, c'est que le Grand Pinage - aussi con que puisse être ce nom - n'a rien arrangé au bazar, et que si des historiens prétendent qu'Eden traversait une crise de surpopulation, le problème a été résolu en grande pompe à ce moment là. 

Quant à savoir de quelle nature était ce gros marasme, là aussi, on patauge dans la mélasse.

Si on en croie les témoignages de bots complètement azimutés, il pourrait s'agir d'une guerre monumentale dans laquelle les D.I. ont participé à détruire des bots beaucoup plus intelligents devenus fous et tentant d'éradiquer tout le monde. Mais franchement, vous voyez ces boites de conserve débiles vaincre quoi que ce soit d'intelligent ?

Une autre version possible serait celle d'un conflit majeurs entre grandes nations initié par la libération accidentelle d'un virus qui fait pousser des dents au niveaux des coudes. Pandémie, mesures sanitaires controversées et interdiction de pratiquer la boxe taï (ou de planter de choux) sans permis de tuer auraient fait flancher la raison collective et le monde aurait alors sombré dans un chaos sans précédent.

On parle enfin, dans les milieux autorisés, d'une invasion d'aliens buveurs de téquila qui auraient tenté de transformer Eden en désert géant pour y planter des cactus et y implanter des distilleries monumentales, entreprise dans laquelle ils auraient été contrés par la guilde des négociant en pastis qui voyait ces cactus omniprésents comme des obstacles inadmissibles à de beaux carreaux sur place sur leurs terrains du dimanche. Ce serait monté en graine, et... des milliards de morts. Bon, c'est pas la plus crédible des hypothèses, mais sachez qu'elle est là.

L'après Grand Pinage

Quel qu'ait pu être le cataclysme, il aurait décimé plus de neuf dixièmes de la population, et laissa aux survivants les ruines d'un monde à l'agonie pour tout habitat.
Une planète brûlée, irradiée, à l'air quasi irrespirable. Un caillou noirci par la bêtise de ses occupants devenant encore plus idiots avec les siècles qui passent.

Trop idiots et pas assez informés pour en garder un traumatisme ou en tirer des leçons, c'est dans une grande allégresse que les Edeniens sortirent des trous qui assurèrent leur survie alors (ou pas, parfois) et rebâtirent des civilisations - enfin, ce que l'on nomme ainsi à défaut d'un terme plus adéquat - des cités, des cultures, des industries.

Certaines de ces industries, par opportunisme ou par calcul, relancèrent la production d'armes et de bots dans les débris des rares usines d'antan qui restaient exploitables et à force d'OPA plus ou moins hostiles et de guerres commerciales, 4 d'entre elles émergèrent pour former aujourd'hui l'entité que l'on nomme "Quad Corps".

Le marché des bots repris donc de plus belle et c'est ainsi qu'après une paire de siècles de pionniers aux hémisphères graduellement cramés par les radiations, leurs descendants au capital matière grise plus modeste purent compter sur l'assistance de machines pour explorer et arpenter les Terres Désolées.

La nature, de son côté, profita de n'être plus domptée pour transformer la flétrissure générale et les bequerels ambiants en opportunité de cultiver sa revanche sur l'espèce dominante. Faune et flore prirent globalement le chemin de l'inhospitalité et si quelques Édeniens apprirent à composer avec le danger permanent que représentent les plantes létales et les gerbilles géantes anthropophages, très peu escomptent maintenant modeler la nature à l'envi, trop occuper qu'ils sont à tenter d'y survivre durant les rares séjour transitoires qu'ils y écoulent lorsqu'ils sont contraints de voyager.

Finalement, le Grand Pinage n'aura pas eu que des effets négatifs. Enfin, question de point de vue.